Elevage Génétique el Compétition
Avant d´entrer dans le vif du sujet, il est peut-être bon de faire un petit saut de vingt ou trente ans en arrière …
A cette époque, il y avait des oiseaux en quantité suffisante dans pratiquement toutes les plaines du nord de la France et il n´était pas rare que des chiens prennent trois points ou plus dans leur parcours. La plupart des concurrents étaient chasseurs, certains éleveurs amateurs, d´autres professionnels. Il y avait peut-être moins de dresseurs que maintenant mais pas beaucoup moins. A part deux ou trois qui allaient en janvier et février en Andalousie ou en Serbie, tout le monde entraînait dans les plaines françaises (Beauce, Picardie, Champagne, Normandie et…) et cela n´était pas tous les jours facile.
Entre les températures négatives, les blés très ras voire inexistants, les immenses parcelles de labour où les perdreaux avaient un abris précaire mais réel, nous étions très nombreux à faire notre première sélection en février dans des conditions très dures.
Les jeunes chiens devaient en effet prendre beaucoup de terrain et beaucoup de risques pour remonter et bloquer les perdreaux dans des labours d´hiver, chose qui demandait beaucoup de courage tant aux chiens qu´aux conducteurs ! Les chiens devaient respecter beaucoup de lièvres et malgré tout, prendre les perdreaux présents sur le même terrain. Ceux qui n´étaient pas bons à ce jeu là rentraient à la maison et pour eux « adieu les concours » !
Je me rappelle que personnellement je passais un mois en Beauce ainsi que plusieurs de mes collègues, mais beaucoup d´amateurs venaient de Bretagne ou d´ailleurs, seulement pour la fin de semaine, ils n´en avaient que plus de mérite. Car quitter les petites vallées bretonnes et les bécasses pour attaquer ces étendues de terre dénudées n´étaient pour eux non plus une mince affaire !
Et on attaquait les concours début mars avec des chiens qui bardaient fort et qui prenaient des points, certains courraient bien en style et d´autres moins. L´important était le CAC, le CACIT était comme on disait alors « la cerise sur le gâteau » vu que personne ne se déplaçait à l´étranger pour faire des Champions Internationaux.
Déjà quelques uns allaient en Italie à la poursuite d´un idéal et ramenaient des chiots. Un jeune dresseur espagnol est arrivé et a mis les pieds dans le plat de la Grande Quête en présentant des chiens, surtout des pointers, qui montraient des choses totalement nouvelles, de grands galops, de grands ports de tête, de la vitesse, bref de l´émotion ! Du fun !
Ils ne prenaient pas toujours beaucoup de points mais quand ils en prenaient un c´était toujours pour la gagne. En même temps, quelques uns ont ramené quelques setters aussi très stylistes mais dont l´efficacité était quelque peu discutable et c´est ainsi que le mythe est né…
Dés lors, dans les esprits, deux concepts différents voyaient le jour et chacun prenait place dans le camp qui lui paraissait correct. Le premier, en gros, était de classer peu mais toujours très haut, le second, classer souvent peu importe le classement avec des chiens efficaces (made in France) mais parfois besogneux.
Quand est-il aujourd´hui ?
Imaginons deux frères de portée pas très efficaces mais dont l´un des deux est beaucoup plus styliste. Son conducteur va garder forcément le styliste car s´il arrive à lui faire prendre un point, il aura une note bien supérieure, il aura aussi plus de chance d´être repris en cas de PO (pas d´occasion).
Il y a aussi les apprentis sorciers qui délibérément jouent avec le feu en présentant des chiens incapables de prendre un point, tout ceci a contribué à créer cette légende qui voudrait que le beau (galop) et le bon soient incompatibles.
La majorité des dresseurs interdisent aux propriétaires de chasser avec leurs chiens de Field ce que je trouve personnellement une aberration ! De nombreux setters mais aussi des épagneuls bretons du POULIT San DANIS ont démontré qu´on pouvait parfaitement chasser tout la saison la bécasse et aller ensuite faire les concours de printemps car la chasse à la bécasse fait perdre su style qu´`a ceux qui n´en ont jamais eu !
Comment je fais ? J´essaie de marier des setters très bien construits possédant le plus possible les caractéristiques fondamentales de la race et puis quand j´élève les chiots la sélection se fait d´abord vers trois mois sur le caractère et la morphologie (angulations avant et arrière) puis vers sept – huit mois on commence à voir la mécanique de galop (ligne de dos, près de terre, port de tête et chanfrein, fluidité dans le mouvement, le fameux «morbido», prise de point fléchie).
Et ensuite le juge de paix, celui qui décide de tout, porte un nom bien connu : le perdreau.
En effet, seuls les chiens qui possèdent au plus au point les caractéristiques de leur race et qui en plus sont exceptionnellement chasseurs devraient participer aux épreuves de Field. On est loin de ce qui se passe aujourd´hui où le Field est une activité sportive et de loisirs et où la sélection canine n´y trouve pas son compte. Des dresseurs avec beaucoup de talent fabriquent des machines à gagner après plusieurs années de travail, le même chien dans les mains d´un particulier honnête chasseur serait proprement inutilisable.
Mon travail en Andalousie aussi bien pour mes propres chiens du « POULIT San DANIS » que pour les jeunes chiens que l´on me confie est de faire une analyse précise et détaillée des qualités naturelles, de l´expression de race, de ces qualités mentales indispensables à la bonne évolution d´un jeune chien, le travail que j´effectue en automne est caractéristique car ils doivent apprendre où sont remisés les perdreaux, avoir du courage et du mental et tout ça sur une mécanique de galop typique de leur race. A la fin du séjour je rend compte au propriétaire et lui seul en toutes connaissances de cause décide de la carrière de son chien.
Le style et l´efficacité ne sont donc pas incompatibles, c´est tout simplement un tout petit peu plus difficile de les réunir !